Vik Muniz – L’illusionniste

[26/06/2012]

  

Depuis une vingtaine d’années, ses reproductions de chefs-d’œuvre de l’art à l’aide de confiture, chocolat, confettis, diamants, ordures et autres étonnantes substances ne cessent de questionner la nature de la représentation et de fasciner les collectionneurs du monde entier.

Le parcours de Vik MUNIZ n’est pas sans rappeler certains récits de vies providentielles. Il s’avère aussi proche des scenarii véhiculés par les fameuses telenovelas brésiliennes. Né en 1961 dans une famille très modeste de São Paulo, Vik Muniz n’est pas fait pour l’école. Mauvais élève, il a cependant un autre talent : le dessin. A l’âge de 14 ans, il gagne une bourse pour suivre des cours du soir de dessin, acquiert une solide formation académique et se découvre une fascination pour les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art. Passionné par l’optique, il étudie nombre d’ouvrages scientifiques sur la perception et la psychologie visuelle, entame ensuite une carrière dans la publicité, milieu ô combien centré sur le pouvoir des images et leur manipulation. Finalement, le hasard d’une situation périlleuse met sa bonne étoile à l’épreuve. Témoin d’une bagarre, il reçoit un coup de couteau qui lui sera salutaire : grâce à la somme qu’il perçoit du coupable, il s’expatrie aux États-Unis. Son aller simple en poche, il atterrit à Chicago en 1984 et s’installe deux ans plus tard à New York, en plein âge d’or culturel. Témoin de l’effervescence artistique américaine – en total décalage avec son pays natal en pleine dictature militaire – le déracinement choisi par Vik Muniz lui ouvre les portes d’une belle carrière artistique.

Jeux de matières
Dès la fin des années 80, il gagne en notoriété grâce à sa série Memory Renderings dont le point de départ est un bestseller américain, The Best of Life, qui recense les images iconiques publiées par le magazine Life entre 1936 et 1972. Suite à la perte de l’ouvrage, Vik Muniz se met en tête de redessiner ses images favorites de mémoire. Sa méthode de travail se met alors en route : une fois son dessin achevé, il le photographie et floute légèrement l’image afin d’en effacer le trait, rendant invisible la trace de son geste. Cette série jusque-là peu représentée aux enchères (seulement 6 résultats depuis 1990), affiche un sommet d’adjudication de 13 000 $ pour Memory Rendering of 3-D Screening (Christie’s New York, le 25 avril 2006. Meilleure adjudication pour un tirage unique), tandis que les portfolios s’échangent depuis 2009 autour de 100 000 $. Grâce à son processus, Vik Muniz systématise très vite une genèse commune à ses œuvres : celle de reconstruire des archétypes de l’histoire de l’art ou de la mémoire collective à partir de substances éphémères, instables, qu’il pérennise en les photographiant. Emblème de sa créativité sans borne, chaque série se concentre sur une catégorie de matière première : du sirop de chocolat pour la fameuse Picture of Chocolate, échantillons de chartes pantone (Picture of Color), rondelles de papier poinçonnées dans des magazines (Picture of Magazines), diamants (Picture of Diamonds), matériaux recyclés (Picture of Junk), pigments (Picture of Pigments)… pour ne citer que les plus emblématiques. L’alchimie de ses œuvres demeure dans ce savant mélange où le banal se transforme en art.

Un marché constant
Depuis 1989, Vik Muniz expose dans le monde entier et de prestigieuses institutions l’ont mis à l’honneur lors d’expositions personnelles, que ce soit à New York, São Paulo, Houston, Rome, Madrid… Son talent n’a pas échappé à la place de marché anglo-saxonne qui fait figure de référence pour les ventes sud-américaines, et enregistrait déjà en 1999 une adjudication de 40 000 $ pour un portfolio issu de sa série The Best of Life (Christie’s New York, le 5 octobre). L’année suivante, il signait une enchère de 28 000 $ avec un tirage unique de la série Picture of Chocolate représentant Jackson POLLOCK peignant (Action Photo, Christie’s New York, 12 octobre 2000). Son indice des prix augmente dans la foulée de 286 % par rapport à 1999. En 2001, il représente le Brésil à la 49ème Biennale de Venise : la demande explose pour ses œuvres et Christie’s frappe un record à 64 000 $ avec un portfolio de sa série Sugar Children (New York, le 19 novembre 2001).
La popularité de certaines séries rythme l’évolution de ses meilleures enchères : Picture of Chocolate, Picture of Blood, Picture of Diamonds et Picture of Pigments arrivent régulièrement en tête pour les ventes de tirage seul. Quant aux portfolios : The Best of Life et Sugar Children atteignent le haut de l’affiche. Pour exemple, en 2007 le portfolio de la série Sugar Children détrône son propre record de 2001 et trouve preneur pour 140 000 $ (Sotheby’s New York, le 16 mai) ; en 2008 Marylin from picture of Diamonds frôle ce nouveau record avec une adjudication à 130 000 $ puis, en 2009, l’œuvre Bloody Marylin (2001) devient sa plus belle enchère avec 220 000 $ (Sotheby’s New York, le 12 novembre) et tient son record depuis. Ce n’est pas un hasard si, sur le podium des meilleures ventes 2011 pour un artiste contemporain brésilien, Vik Muniz accède à la 4ème place et ce grâce à la vente de Elizabeth Taylor (From Picture of Diamonds) pour 175 000 $ (Sotheby’s New York, le 11 décembre 2011).
Présent depuis 2008 dans le Top 500 des artistes classés par chiffres d’affaires, la vente de ses œuvres a généré en 2011 plus de 3,2 m$. Artiste incontournable et populaire, seuls 20 % de ses œuvres sont accessibles à moins de 6 000 $. Actuellement, il faut compter une mise minimum de 3 200 à 6 000 $ pour acquérir une œuvre originale de Vik Muniz. Néanmoins, cette fourchette de prix correspond presque exclusivement à des tirages de sa série ancienne Picture of Wire (images créées avec du fil de fer, 1994-1995). Convoiter une autre série nécessite dès lors un investissement de plus de 6 000 $, sachant que les œuvres plus emblématiques s’échangent généralement au-delà de 15 000 $.