Le Top 10 de la Turquie

[10/11/2017]

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Interrogeons nous cette semaine sur l’appétence et les résultats du marché Turc depuis le début de l’année 2017.

Réalisme, portraits, peintures historiques et architectures tiennent la moitié d’un Top 10 qui révèle en premier lieu les goûts classiques du marché turc, notamment le style académique français adopté à la fin du XIXème siècle et au début du XXème par des artistes tels que Mahmut Cuda et Seker Ahmet Pasa. Les niveaux d’adjudications révèlent quant à eux une bonne santé générale du marché intérieur, avec quelques nouveaux records à la clef.

Rang Artiste Adjudication ($) œuvre Vente
1 Mahmut CUDA (1904-1987) 388 262$ Sara 11/03/2017 Antik AS Istanbul
2 Sevket DAG (1875-1944) 287 789$ Ayasofya 06/05/2017 Antik AS Istanbul
3 Seker Ahmet PASA (1841-1907) 277 131$ Natürmort 06/05/2017 Antik AS Istanbul
4 Fausto ZONARO (1854-1929) 210 374$ Üsküdar’dan Sandala Binen Feraceli Cariyeler 26/02/2017 Beyaz Pazarlama ve Muzayedecilik Istanbul
5 Burhan DOGANÇAY (1929-2013) 202 344$ From Walls No 5 09/04/2017 Beyaz Pazarlama ve Muzayedecilik Istanbul
6 Burhan DOGANÇAY (1929-2013) 195 413$ Cone on a Wall 06/05/2017 Antik AS Istanbul
7 Taner CEYLAN (1967) 146 864$ Cone on a Wall 11/03/2017 Antik AS Istanbul
8 Orhon MÜBIN (1924-1981) 126 465$ Abstrait blanc et rose 09/04/2017 Beyaz Pazarlama ve Muzayedecilik Istanbul
9 Burhan DOGANÇAY (1929-2013) 111 414$ Abstrait blanc et rose 11/03/2017 Antik AS Istanbul
10 Fahr-el-Nissa ZEID (1901-1991) 109 603$ Abstrait jaune 09/04/2017 Beyaz Pazarlama ve Muzayedecilik Istanbul
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Le goût des sujets classiques

En mai dernier, un collectionneur s’est délecté de la nature morte aux fruits de Seker Ahmet Pasa jusqu’au prix gagnant de 277 130 $, plantant la seconde meilleure adjudication officielle de l’artiste. Cette huile sur toile de 1896 est fortement emprunte de la tradition française de la nature morte et pour cause, puisque Seker Ahmet Pasa étudia à Paris auprès de Gustave Boulanger et de Jean-Léon Gérôme.

S’il excellait moins dans la Nature morte qu’à travers les portraits, le style classique de Mahmut Cuda lui vaut de doubler son précédent sommet grâce à la vente de Sara, peinture datée de 1929, qui s’est arrachée pour l’équivalent de 388 000 $ en mars dernier. Le marché de Mahmut Cuda reste 100% turque, et plutôt rare, avec moins de 20 œuvres ayant fait l’objet d’enchères en 20 ans. Le marché de Sevket Dag s’avère lui plus dynamique et plus international. Les œuvres de cet artiste, actif durant la première moitié du XXème siècle, se vendent certes majoritairement en Turquie (85% de son produit de vente) mais 15% de son produit de ventes vient de Londres, où les œuvres orientalistes sont particulièrement appréciées.

Plus dense et plus international encore est le marché de Fausto Zonaro, avec plus de 40% du produit de ventes de l’artiste obtenu à Londres, contre 27% en Turquie, 13% en Italie, mais aussi quelques ventes significatives aux Etats-Unis, en Autriche et en Allemagne. Cet artiste, dont certaines petites huiles sur toile sont encore abordables pour moins de 5 000$ sur le marché des enchères, culmine tout de même à 1,4 m$ depuis adjudication de Bayram (The Celebration) en avril 2015, dans le cadre d’une vente Orientaliste chez Sotheby’s à Londres. Ce peintre d’origine italienne a contribué au développement du style occidental en Turquie. En effet, après sa formation à l’académie des Beaux-arts de Vérone et à l’Université des Beaux-arts de Rome, il expose à Paris en 1888 mais pense déjà à l’Orient. Il rejoint Istanbul en 1891 pour une première visite et peindra, jusqu’en 1910, des milliers de fois cette ville pour lui magique.

Au premier regard, les peintures contemporaines de Taner Ceylan (artiste d’origine allemande vivant à Istanbul depuis son adolescence) s’inscrivent dans la lignée de cette peinture réaliste particulièrement appréciée en Turquie. Mais à y regarder de plus près, ses œuvres s’en démarquent avec force par l’irruption d’une intense charge érotique. Avec un record absolu emporté à près de 147 000$ cette année, son interrogation osée de la sexualité dans la Turquie contemporaine séduits des collectionneurs turcs qui ne se cantonnent pas à leur passé et observent leur époque.

Une place pour l’abstraction

Outre la présence au classement d’une œuvre informelle signée Orhon MÜBIN, l’abstraction est particulièrement bien représenté avec Fahr-el-Nissa Zeid (qui emportait par ailleurs 1,273 m$ chez Sotheby’s à Londres en avril dernier pour une toile monumentale de près de six mètres de haut) et par les trois places tenues par Burhan DOGANÇAY. Malgré cette présence récurrente suggérant un élan de vitalité, le marché de Burhan DOGANÇAY est en berne, avec des recettes divisées par deux comparées aux résultats obtenus par l’artiste entre 2009 et 2011. Si son enchère record flirte avec les 1,5 m$ pour Symphony in Blue adjugée en 2009, ses meilleurs résultats oscillent entre 50 000 et 200 000 $ depuis, selon la qualité des toiles proposées. Un tel ralentissement était prévisible car il en va souvent ainsi de l’agitation des enchères avant, pendant et après une exposition importante. Or, l’artiste a bénéficié d’une importante rétrospective au musée Istanbul Modern en 2012, quelques mois avant son décès. Avant cet hommage, les œuvres de Dogançay avaient déjà été exposées à de nombreuses reprises au sein d’importantes institutions dont le Centre Georges Pompidou de Paris (1982); le Seibu Museum of Art à Tokyo (1989) ou le State Russian Museum à Saint Petersburg (1992). Burhan Dogancay est donc un artiste dont la renommée est mondiale même si la quasi totalité des adjudications adviennent en Turquie (76% des lots vendus).