L’automne latino-américain

[03/11/2015]

 

L’art latino-américain est un chapitre prépondérant des ventes annuelles, un rendez-vous fidèle concocté par les maisons Phillip’s, Sotheby’s et Christie’s, qui se passent le relais pour des ventes thématiques les 18, 19 et 20 novembre 2015, à New York. Un rendez-vous d’autant plus fidèle que les sociétés de ventes constatent l’intérêt croissant des grands musées américains et européens pour la scène latino-américaine. La phase d’acquisition s’est accélérée ces dernières années et les expositions se multiplient, à l’instar de la grande rétrospective Wifredo Lam, qui se déroule actuellement au Centre Pompidou de Paris (30 septembre – 15 février 2016. L’exposition partira ensuite au Centro de Arte Reina Sofia à Madrid, 12 avril – 15 août 2016, et à la Tate Modern à Londres, 14 septembre 2016 – 8 janvier 2017).
Outre Lam, les géants modernes que recherchent musées et collectionneurs sont Rufino Tamayo, Joaquin Torres-Garcia, Leonora Carrington, et Roberto Matta, dont on a pu voir les œuvres sur bon nombre de salons parisiens au mois d’octobre, un signe qui ne trompe pas… A travers Carrington, Lam et Matta notamment, la mouvance surréaliste latino-américaine est en train de rafraîchir sa place dans les musées et sur le marché de l’art.

Roberto MATTA en force

Matta est l’artiste le mieux représenté de la vacation Christie’s, avec 12 œuvres au catalogue. Les enchères commencent à 50 000 $ pour un dessin et pour plusieurs huiles sur toile réalisées dans les années 50′ et 70′. L’oeuvre la plus chère est aussi la plus ancienne : il s’agit d’une toile de 1939 qui, ravalée chez Sotheby’s en 2013 avec une estimation basse de 800 000 $, pourrait cette fois trouver preneur avec une estimation moins gourmande, les enchères commençant autour de 500 000 $.
Chez Sotheby’s, les regards se braquent sur Le Lit du printemps (estimé 500 000-700 000 $) et sur le Geyser de la mémoire (estimé 200 000-300 000 $), une œuvre déjà passée aux enchères et vendue 166 050 $ en mars 2012 à Paris (le 27 mars 2012 chez Camard). Deux mois après l’adjudication du Geyser de la mémoire, Matta enregistrait son record absolu, emporté à 5 m$ frais inclus – au double de l’estimation haute – pour une toile de 1944 intitulée La Révolte des contraires (Christie’s New York). Le succès de Matta n’est pas neuf en salles : les premières adjudications millionnaires remontent au milieu des années 90′.

L’année Wifredo Lam

Fort de l’actualité institutionnelle dont il bénéficie, Wifredo LAM se retrouve particulièrement bien représenté aux enchères cette année. Sotheby’s offre deux œuvres majeures le 19 novembre : Le Miel noir, une huile sur toile de 1945 estimée entre 600 000 et 800 000 $, et Les Sabots à la main, une toile de 1966 annoncée entre 500 000 et 700 000 $. Au vue de sa nouvelle estimation, le prix des Sabots à la main aurait doublé en sept ans (l’oeuvre s’est vendue 297 000 $ frais inclus le 3 décembre 2008, chez Sotheby’s Paris). Une telle hausse est l’apanage des meilleures toiles et le contexte est favorable, Lam ayant passé le million de dollars à deux reprises cette année en salles de ventes. Parallèlement, sept œuvres sont offertes chez Christie’s (les estimations commencent à 30 000 $ pour de petites huiles du début des anneees 70′) et une belle œuvre chez Phillips est attendue entre 400 000 et 600 000 $.
Wifredo Lam, artiste phare admiré par Pablo Picasso dont il fut l’ami, affiche un marché en plein élan, sans souffrir de dangereuses envolées spéculatives. C’est aussi ce qui fait l’attrait de son marché, où 60% des œuvres vendues aux enchères n’excèdent pas les 5 000 $, et où la majorité des pastels et aquarelles aboutis s’échangent entre 10 000 et 20 000 $ en moyenne.

Leonora Carrington marque l’envolée des prix

L’année dernière fut un excellent cru pour Sotheby’s, qui dispersait à New York la plus importante collection d’art latino-américain jamais proposée en vente aux enchères, celle de Lorenzo H. Zambrano, chef d’entreprise mexicain, ancien président directeur général de Cemex. Cette grande vacation du 24 novembre 2014 fut l’occasion d’un superbe record à 2,629 m$ pour la grande surréaliste mexicaine Leonora CARRINGTON (The temptation of St. Anthony). Cette année encore, Sotheby’s tient un chef-d’oeuvre de Carrington prêt à atteindre la cime des prix : La Jungle (Juggler), de 1954, est estimée entre 1,5 et 2 m$. Sotheby’s consacre quatre pages de son catalogue à ce chef-d’oeuvre digne d’un musée. Signe que les prix explosent : la même Jungle valait 713 000 $ en 2008 (vente Christie’s du 28 mai), presque trois fois moins…